La Bassette

Références, informations

 

La Bassette est un jeu de cartes sur lesquelles les joueurs effectuent des paris sur leur sortie vis-à-vis de celles d'un banquier. Originaire d'Italie, il y était pratiqué depuis le XVIe siècle sous le nom de Basetta. D'après Jean de Préchac dans son livre sur la Bassette, intitulé La Noble vénitienne..., édité en 1679, il aurait été introduit en France vers 1675 par l'ambassadeur de la république de Venise, M. Justiniani – probablement Jules Giustiniani, en italien Giulo Giustinian (1640-1715). Ayant pris un essor considérable dans la haute société – contrairement au Lansquenet le jeu était tenu par un banquier unique impliquant des fonds très importants –, elle ne manqua pas de déclencher des conflits entre joueurs et en ruina très rapidement certains. Louis XIV dut se résoudre a en proclamer son interdiction d'abord en 1680, puis en 1691 avec d'autres jeux de hasard, notamment le Pharaon qui est une variante très proche de la Bassette.

 

1. Nombre de joueurs et jeu de cartes

 

La Bassette se pratique avec un jeu de 52 cartes entre un banquier et un nombre de joueurs, appelés « pontes », seulement limité par la décision du banquier.

 

Le banquier, qui est aussi appelé « tailleur », le reste durant toute la partie. Il tient le jeu complet de 52 cartes, et joue seul contre les pontes qui tiennent chacun en main un jeu de treize cartes de l'as au roi. Ces treize cartes sont appelées le « livre ».

 

Les livres sont constitués à partir de jeux de 52 cartes aux dos différents de celui du banquier. Ainsi avec un jeu de 52 cartes, il est possible de constituer quatre livres. La couleur des cartes du livre est indifférente, seul le type de carte étant pris en compte à la Bassette.

 

 

2. Le banquier, la distribution, l'enjeu et les mises

 

Les pontes commencent par placer une carte de leur livre devant eux, face visible, et mise dessus la somme qui leur convient. Cette somme peut être limitée par le banquier.

 

Les mises étant ainsi faites, le banquier mélange son jeu de 52 cartes et le coupe lui-même. Puis il retourne le paquet en le serrant dans ses mains de telle manière qu'il peut voir la première carte.

 

Ces préliminaires étant faits, le banquier commence à « tailler », ce qui signifie qu'il pose devant lui, faces visibles, un couple de cartes appelé « taille ». Les cartes de la taille ne sont cependant pas dévoilées aux pontes simultanément, mais l'une après l'autre.

 

La première carte de la taille est pour le banquier. Le ponte qui a misé sur le même type de carte est perdant.

 

La deuxième carte de la taille est pour les pontes. Le ponte qui a misé sur le même type de carte est gagnant.

 

Le banquier doit annoncer les cartes de la taille. Ainsi, en supposant que la taille est composée d'un valet puis d'un roi, le banquier annonce « le valet perd, le roi gagne » – cela s'entend pour les pontes.

 

Chaque fois que le banquier dévoile un carte, il scrute les mises et ramasse celles des perdants ou procède aux paiements des gagnants.

 

Lorsqu'une taille est terminée, le banquier en effectue une autre de la même manière, jusqu'à épuisement des 52 cartes.

Quand les 52 cartes sont épuisées, le banquier les reprend en main, les mélange et les coupe. Puis il reprend la taille comme précédemment. Il a aussi la possibilité de mettre de côté le dernier jeu et d'en prendre un nouveau pour tailler.

 

 

3. Les paiements

 

Un ponte qui gagne reçoit du banquier le montant de sa mise et il retire cette dernière. Cependant, une exception est faite pour la dernière des 52 cartes qui ne fait gagner personne, ce qui constitue un avantage pour le banquier.

 

Le banquier qui gagne tire les mises des perdants. Cependant pour la première des 52 cartes que l'on appelle « face », le banquier ne tire que deux tiers de la mise du perdant qui retire le troisième tiers.

 

Un ponte peut miser en cours de partie sur une nouvelle carte de son livre. Dans ce cas la première carte de la taille qui suit sa mise est aussi considérée pour ce ponte comme une face.

 

Lorsqu'un ponte perd contre une face, il est dit « facé ».

 

Dans le cas où la taille est constituée de deux cartes d'un même type, comme deux dames, seul le banquier gagne par la primauté – c'est la raison pour laquelle les deux cartes d'une taille sont dévoilées l'une après l'autre et non simultanément.

 

 

4. Le moment pour miser et sur combien de cartes

 

Nous venons de voir que les mises se font au tout début de la partie mais aussi dans son cours. Dans ce dernier cas, il est possible de miser entre deux tailles, mais aussi au milieu d'une taille.

 

Les mises faites au milieu d'une taille ne sont prises en compte par le banquier que pour la taille suivante.

 

Il est admis de pouvoir miser sur plusieurs cartes de son livre. Pour pouvoir miser sur une carte il faut qu'elle ne soit pas déjà couverte d'une mise. Toute carte libérée de sa mise, par gain ou par perte, retourne dans le livre du ponte et peut être à nouveau utilisée pour miser.

 

Le banquier a la possibilité de limiter les mises à un montant minimum et un autre maximum – on supposera qu'il doit définir ces limites au début du jeu. Ne pouvant être redevable de plus qu'il ne possède en banque, il semble aller de soi qu'il peut refuser une mise lorsque le montant total des mises vient à dépasser celui de la banque.

 

 

5. Les différentes manières de miser

 

Pour prendre en compte les faces qui ne rapportent au banquier que deux tiers de la mise du ponte, il parait judicieux que la mise soit toujours un multiple de 3 jetons.

 

Lorsqu'un ponte mise sur une carte, il y pose les jetons. Cette mise est aussi appelée « couche » ou « mâsse » – l'accent circonflexe est uniquement utilisé dans ce sens.

 

Certaines manières de miser ont des appellations particulières, comme les plus prudentes :

 

La petite paix : c'est quand un ponte qui vient de gagner joue son gain sur la même carte en retirant sa mise. De la sorte, il est en paix ne pouvant perdre que ce qu'il vient de gagner mais pouvant gagner le double. Il s'agit en fait d'un « quitte ou double », dans le sens d'être quitte s'il perd la petite paix.

 

La grande paix : c'est lorsqu'un ponte qui vient de gagner la petite paix laisse ses gains sur sa carte. S'il gagne, il emporte quatre fois sa mise initiale, et s'il perd cela ne lui aura rien coûté ayant retiré sa mise initiale. On pourrait parler d'un « quitte ou quadruple ».

 

D'autres manières sont au contraire risquées :

 

L'alpiou (de l'italien al più) : c'est après avoir gagné, laisser sa mise initiale et plier un coin de sa carte pour signifier qu'on rejoue son gain. Celui qui gagne l'alpiou emporte trois fois sa mise initiale.

 

Sept et le va : c'est après avoir gagné un alpiou, laisser sa mise initiale et plier un autre coin de sa carte pour signifier qu'on rejoue tous ses gains. Celui qui gagne le sept et le va emporte sept fois sa mise initiale.

 

Quinze et le va : c'est après avoir gagné le sept et le va, laisser sa mise initiale et plier un troisième coin de sa carte pour signifier qu'on rejoue tous ses gains. Celui qui gagne le quinze et le va emporte quinze fois sa mise.

 

Dans ces deux expressions, le « va » est la mise initiale que le ponte récupère en plus des gains. L'alpiou pourrait aussi bien être appelé le « trois et le va ».

 

L'alpiou est plus généralement appelé « paroli ». On dit ainsi « faire un paroli » lorsqu'on corne sa carte. Le sept et le va est un deuxième paroli, et le quinze et le va en est un troisième. L'appellation tient probablement au fait que l'on ne mise pas avec des jetons ou de l'argent mais sur parole.

 

Pour ces trois manières, le ponte ne place sur sa carte que sa mise initiale, le nombre de cornes à sa carte permettant de voir le nombre de fois qu'il a rejoué ses gains. Ceci offre l'avantage de ne pas amasser une trop grande quantité de jetons sur une carte. L'effet peut être psychologiquement néfaste pour le ponte qui ne voit pas physiquement le montant de son enjeu, ce qui l'amène plus facilement à risquer gros. On comprend aisément le problème engendré par ses cornes successives demandant une vigilance constante du banquier. Une manière de tricher consistait à corner sa carte à l'insu du banquier, ce qui s'appelait faire un « paroli de campagne ».

 

 

6. Le déplacement des mises

 

Il est possible avec l'acceptation du banquier de déplacer la mise que l'on a fait sur une carte sur une autre, ce qui s'appelle « transposer ». La transposition permet notamment de tenter des paroli supplémentaires au Quinze et le va.

 

Trente et le va : Celui qui gagne le trente et le va est payé trente fois sa mise qu'il récupère. Théoriquement, il devrait être payé trente et une fois sa mise.

 

Soixante et le va : Celui qui gagne le soixante et le va est payé soixante fois sa mise qu'il récupère. Théoriquement, il devrait être payé soixante-trois fois sa mise.

 

Lorsque le talon est épuisé, les pontes ayant encore des mises sur des cartes doivent les laisser pour la suite de la taille avec le même jeu ou un nouveau. Ceci peut arriver dans le cas où une mise est placée sur une carte du même type que la dernière carte du talon – cette carte est nulle –, et dans celui où le ponte ne s'était pas aperçu que les quatre cartes semblables était déjà passées.

 

 

7. Les moyens de défense du banquier : le croupier, les ferrailleurs

 

La Bassette est un jeu où la tricherie est relativement aisée lorsque les pontes sont nombreux. Il existe un mouvement des pontes qui peut semer le doute chez le banquier, certains quittent le jeu et d'autres y entrent en cours de partie. Les parolis de campagne sont à surveiller ainsi que les modifications de mise insidieuses.

 

Aussi, afin de maîtriser le jeu, le banquier :

– n'accepte une mise ou un paroli que si l'annonce est clairement faite par le ponte en disant par exemple « trois au valet » ou « alpiou du roi », et le banquier qui accepte répond « va pour le valet » ou « va pour le roi », mais s'il refuse il répond « non va pour le valet » ou « non va pour le roi » ;

– prend une personne pour surveiller le jeu et assurer les perceptions et les paiements. Cette personne est justement appelée « croupier » par analogie avec la personne qui monte en arrière d'un cavalier sur la croupe du cheval ;

– peut être amené à s'assurer le service d'hommes de main que l'on appelait « ferrailleurs » pour leur goût immodéré à sortir l'épée. Le banquier rémunérait les ferrailleurs en leur versant une somme d'argent appelée « estafe ». Le mot estafe est issu de celui d'estaffier originaire d'Italie et définissant en France un grand laquais (dictionnaire de Furetière).

 

Une partie de Bassette mal gérée par le banquier était susceptible d'engendrer des conflits violents. De toutes manières les pertes des pontes pouvaient être considérables suite à des mâsses importantes et des parolis inconsidérés pouvant aller jusqu'au soixante et le va.

 

Jeu rapide et très addictif, il a été plusieurs fois interdit au même titre que d'autres jeux de hasard. Des variantes très proches, peut-être créées pour contourner provisoirement l'interdiction nominative de la Bassette, ont eu aussi leur vogue comme celle appelée le Pharaon. La Bassette, aurait été pratiquée sous d'autres appellations comme Pour & Contre, ou Barbacole aussi orthographié Barbacolle. L'édit du 15 janvier 1691 interdisant les jeux de hasard fait état des « renommages » de certains jeux : « Sa Majesté défend [...] de jouer aux jeux de Hoca ou Pharaon, Barbacole, et de la Bassette, ou Pour-et-Contre, sous quelque nom ou forme qu'ils puissent être déguisés [...] ». Le Hoca n'est pas un jeu de cartes mais une sorte de loterie.

 

Les avantages du banquier résident essentiellement dans le fait que la première carte est pour lui, et que la dernière qui devrait être pour le ponte n'est pour personne. D'autre part moins le banquier a de cartes en main et plus il a de chances de gagner par le biais de la primauté, principalement sur le type de cartes en plusieurs exemplaires dans le talon.

 

Les faces diminuent de manière relative l'avantage du banquier qui ne retire que deux tiers de la mise du ponte.

 

 

8. La Bassette : un jeu de mémoire

 

Les pontes pour mettre le plus de chances de leur côté doivent faire appel à leur mémoire pour éviter de jouer sur des cartes qui ne sont pas encore sorties ou que peu de fois lorsque le talon s'amenuise.

 

D'autre part quoique le banquier mélange les cartes à chaque fois que le talon est épuisé, Leibniz dans une étude du jeu faisait remarquer que ce mélange n'étant pas parfait, un ponte ayant une bonne mémoire pouvait se rappeler quelques séquences de cartes et ainsi se donner des chances de prévoir la sortie de cartes. Mais le banquier a toujours la possibilité de changer de paquet de cartes chaque fois que le talon est épuisé.

 

Au sujet du mélange des cartes, une méthode appelée « la provençale » est parfois citée dans la littérature – Dufresny, par exemple, pour le Lansquenet dans Le Chevalier joueur, ou Jean de Préchac pour la Bassette dans La Noble Vénitienne. Cette méthode consiste à étaler toutes les cartes, faces cachées, sur la table et à les y brasser avant de les rassembler.

 

 

 

 

 

 

 

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Références

 

Rémond de Montmort, Essai d'analyse sur les jeux de hasard, Jacques Quillau, Paris, 1708

 

Jean de Préchac, La Noble Vénitienne ou la Bassette, Claude Barbin, Paris, 1679

 

Le Journal des sçavans, Jean Cusson, Paris, lundi 13 février 1679

 

Jacques de Varenne, Mémoires du Chevalier de Ravanne, Panckouke, Liège, 1740

 

Thomas Dyche, Nouveau dictionnaire universel des Arts et des Sciences, François, Latin et Anglois, Neaulme, Amsterdam, 1758

 

  

    

Informations sur la page

 

Mise en ligne le 20 janvier 2011
Révisée le 30 octobre 2021

Auteur : Philippe LALANNE


Le Salon des jeux - Académie des jeux oubliés





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