Le Zinzolin

Références, informations

 

Le Zinzolin est une curiosité parmi les jeux de cartes, au même titre que le Francion. Tous deux ont été inventés dans la même période en fin de règne de Louis XV dans l'espoir de concurrencer le Whist anglais, le Francion en 1765 par le marquis du Terrail, et le Zinzolin en 1769 par Pierre-Joseph Luneau de Boisjermain qui en a publié les règles dans un livret intitulé Le Zinzolin, jeu frivole et moral, à Amsterdam, chez Les Libraires associés.

Le livre est constitué de deux parties comprenant d'abord les règles, puis la justification quelque peu philosophique ou sociétale du vocabulaire spécifique utilisé, plutôt axée relations hommes-femmes. Voir par exemple les termes de vertugadin que l'auteur relie à la vertu féminine, et sigisbé qui désigne un chevalier servant. La longue préface est dédiée très probablement à Armand Thomas Hue de Miromesnil, alors Président du Parlement de Normandie, dans laquelle l'auteur lui conseille de bien vouloir se sociabiliser en se forçant à s'intéresser aux jeux et à ceux qui y participent. Pour l'y amener, il pense que la facette philosophique du Zinzolin devrait lui faciliter la tâche.

Principalement connu pour ses litiges avec les libraires et notamment avec l'encyclopédiste Denis Diderot, l'auteur reçoit de la part de celui-ci une critique acerbe concernant son livre sur le Zinzolin où il le traite d'« homme moitié fou, moitié imbécile ».

Quoi qu'il en soit, voici les règles du Zinzolin qui s'inspirent un peu du Reversis tout en étant un jeu inédit à la base selon les propos de son auteur.

On pourra bien entendu faire abstraction du vocabulaire utilisé en lui substituant des termes modernes.

 

1. Nombre de joueurs et jeu de cartes

Le Zinzolin se joue à quatre avec un jeu de 52 cartes.

Dans chacune des quatre couleurs – pique, cœur, carreau, trèfle – les cartes suivent l'ordre décroissant suivant :

Roi, dame, valet, 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, As


2. Matériel et mise au jeu

Chacun des joueurs dispose d'un boîte de fiches et de huit jetons. Chaque fiche vaut huit jetons.

Un corbillon est placé près du donneur et à sa droite. Avant chaque coup, et même s'il n'est pas vide, les joueurs y mettent une de leurs fiches. Le contenu du corbillon constitue la poule qui sera le bénéfice essentiel du gagnant.

Vocabulaire :
- le corbillon est appelé Vertugadin ;
- l'ensemble des fiches qui y sont placées porte le nom de Contingent.

Si le Contingent n'est pas gagné à la fin du premier coup il sera double au coup suivant et ainsi de suite, triple, quadruple, etc.


3. Donne

Chaque joueur prend une carte au hasard dans le jeu étalé sur la table, faces cachées, et celui qui a obtenu la plus basse mélange les cartes, les donne à couper au joueur placé à sa gauche et en distribue 12, trois par trois, à chacun dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, en commençant par celui assis à sa droite qui sera le premier en carte – être le premier à jouer une carte est un avantage à ce jeu.

Les 4 cartes restantes constituent le talon, lequel est placé au milieu de la table.

Le donneur place une fiche supplémentaire devant lui.

Vocabulaire : La fiche placée devant le donneur est appelée la Rocambole. Si la Rocambole n'est pas gagnée à la fin du premier coup, elle sera double au coup suivant et ainsi de suite, triple, quadruple, etc.

Il n'y a pas d'atout au jeu du Zinzolin.


4. Les écarts

La donne étant terminée, la fiche du donneur avancée, chaque joueur à son tour, en commençant par celui placé à la droite du donneur, à la possibilité d'écarter une carte de son jeu pour la remplacer par celle du dessus du talon.

Il n'y a pas d'obigation à faire cet écart. Les écarts s'achèvent par celui du donneur s'il le souhaite. Les quatre cartes alors issues des écarts et éventuellement de celles non prises du talon sont placées par le donneur sous le corbillon, faces cachées.


5. Les annonces

Tous les joueurs ayant leurs cartes définitives en main après les écarts, chacun à son tour examine son jeu pour voir s'il possède une ou plusieurs annonces.

Les annonces possibles sont de deux types :
- trois cartes de même hauteur ;
- quatre cartes de même hauteur.

Seules les trois plus petites cartes sont concernées par les annonces :
- les As ;
- les Deux ;
- les Trois.

Dans les annonces les As valent chacun 1 jeton ; les Deux, 2 jetons ; les Trois, 3 jetons.

Vocabulaire :
- les As, les Deux, et les Trois sont appelés les Sigisbés ;
- trois cartes de même hauteur sont nommées Triangle ;
- quatre cartes de même hauteur sont appelées Quarré.

Un triangle d'As vaudra ainsi 3 jetons ; un triangle de Deux, 6 jetons ; un triangle de Trois, 9 jetons.

Un quarré d'As vaudra 4 jetons ; un quarré de Deux, 8 jetons ; un quarré de Trois, 12 jetons.

Chaque joueur ayant annoncé un ou plusieurs triangles ou carrés de Sigisbés en sera payé par les trois autres en jetons, conformément à leurs valeurs.

Pour en être payé, il est impératif de montrer la ou les annonces avant de jouer sa première carte.


5. Jeu de la carte

Le Zinzolin est un jeu de levées. Pour la première levée, le premier à jouer une carte est celui placé à la droite du donneur, et pour les levées suivantes se sera le gagnant de la dernière levée. Le jeu se pratique dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

On n'a pas le droit de renoncer, c'est-à-dire que l'on doit si possible fournir de la couleur demandée.

Cependant on peut jouer n'importe quelle carte de la couleur demandée.

Dans le cas où tous les joueurs ont pu jouer une carte de la couleur demandée, c'est celui qui a mis la plus haute carte qui fait la levée. Il la garde, faces cachées, devant lui et joue pour la levée suivante.

Les levées faites par un joueur sont placées pliées faces cachées devant lui, mais non en tas. Chaque pli doit être posé sur les précédents en croix de telle sorte que l'on puisse en compter le nombre à tout instant du coup.

C'est le nombre de levées faites qui déterminera le gagnant du coup et non leur contenu.


5.1 Paiement des Sigisbés durant le jeu de la carte

Le joueur qui fait une levée est tenu de payer la valeur en jetons des Sigisbés à ceux qui les ont joués.

Cependant ceci n'est vrai que si les Sigisbés joués sont de la couleur demandée.

Dans le cas où les Sigisbés ont été joués en renonce, faute d'avoir de la couleur demandée, alors ce sont ceux qui les ont jetés qui doivent les payer à celui qui a fait la levée.

Celui qui fait la levée en jouant un Sigisbé doit en mettre sa valeur en jetons au corbillon, ou Vertugadin.


6. Gagnants du coup

Il y a 12 levées possibles sur un coup qui se décomposent à ce jeu en deux groupes :

- celui des 6 premières levées appelé le premier Équinoxe ;

- celui des 6 dernières levées appelé le deuxième Équinoxe.


6.1 Gagnant du premier Équinoxe

Lorsqu'un joueur emporte le premier Équinoxe en faisant les six premières levées il gagne tout le contenu du corbillon, ou Vertugadin. C'est à dire le Contingent de fiches et les éventuels jetons des Sigisbés qui peuvent s'y trouver. Ces jetons sont, comme il a été dit, versés au corbillon par les joueurs qui ont gagnés une levée en jouant un Sigisbé. Ces Sigisbés sont dit gorgés (terme issu du Reversis).

Si le joueur qui a gagné le premier Équinoxe fait une septième levée, il reçoit des trois autres joueurs un jeton ; pour la huitème, deux jetons ; pour la neuvième, quatre jetons ; pour la dixième, une fiche ; pour la onzième, deux fiches ; pour la douzième, six fiches. On considérera que ces paiements ne sont pas cumulatifs et que c'est uniquement le nombre de levées faites sans interruption après le premier Équinoxe qui déterminera le montant du paiement.

Vocabulaire : Dans les anciens jeux de cartes, faire toutes les levées s'appelait faire la Vole. Au Zinzolin, l'auteur a préféré l'expression faire le tour du Zodiaque, ce qui est réalisé lorsqu'on fait les douze levées du coup. Dans l'idée de l'auteur chaque levée correspond à un signe zodiacal.


6.2 Gagnant du deuxième Équinoxe

Deux cas de figure sont à prendre en compte. Soit le premier Équinoxe a été gagné, soit il ne l'a pas été.


6.2.1 Premier Equinoxe gagné

Le joueur qui gagne le deuxième Équinoxe emporte le contenu du corbillon qui peut contenir les jetons des Sigisbés gorgés après la sixième levée.

De plus, si c'est le même que celui qui a gagné le premier Equinoxe alors il est payé de la manière vue au paragraphe 6. C'est à dire qu'il a fait la vole et donc touché de la part des trois autres joueurs six fiches.

Mais si c'est un autre joueur alors, en plus de l'éventuel contenu du corbillon, il ne reçoit que quatre jetons de la part des trois autres joueurs.


6.2.2 Premier Équinoxe non gagné

Le corbillon n'est gagné par personne, et aucun paiement entre joueurs n'est dû au titre des levées faites. Il faut toujours jouer les 12 levées. Même si aucun des deux Équinoxes ne peut être gagné, des jetons pour Sigisbés gorgés peuvent se rajouter au corbillon.


6.3 Gagnant de la Rocambole

La fiche avancée pour la Rocambole par le donneur du coup est gagnée par le joueur qui n'a fait aucune levée. Si tous les joueurs ont fait au moins une levée, la fiche de la Rocambole reste au jeu et viendra en supplément de celle qui sera déposée par le nouveau donneur.

Dans le cas où deux joueurs n'ont fait aucune levée, la Rocambole simple ou multiple est partagée à parts égales entre ces deux joueurs.

Dans le cas où trois joueurs n'ont fait aucune levée, c'est que le quatrième a fait la vole ou le tour du Zodiaque en gagnant les deux Équinoxes. La Rocambole reste alors au jeu pour le prochain coup.


7. Durée de la partie

La partie se joue en cinq tours simples et un tour double. Un tour c'est quatre coups.

Au tour double, tous les paiements (fiches et jetons) sont doublés.

Si à la fin du tour double le contenu du corbillon, ou Vertugadin, n'est pas tiré, on continue à jouer double jusqu'à ce qu'il le soit.

 

 





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Référence

Pierre-Joseph Luneau de Boisgermain, Le Zinzolin, jeu frivole et moral, Les Libraires associés, à Amsterdam, 1769

Informations sur la page

Mise en ligne le 28 avril 2022

Auteur : Philippe LALANNE

Le Salon des jeux - Académie des jeux oubliés





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