Le
Cul-bas
Le
Cul-bas ou Culbas est un jeu de cartes très ancien, d'une
grande simplicité, où le hasard tient la plus grande place. Il tire
son nom d'une phase de jeu dans laquelle, faute de pouvoir jouer, le joueur est
tenu d'abattre le restant de ses cartes, faces visibles sur la table. En 1828,
M. Lebrun, auteur du Manuel des jeux de calcul et de hasard, édité
chez Roret, prit l'initiative de changer le nom de ce jeu en celui de Cou-bas,
stipulant que « le lecteur lui serait gré de cette innovation ».
Méry, en 1847, dans L'Arbitre des jeux avait
une toute autre approche du vocabulaire.
Le
Cul-bas dont les règles ont paru pour la première fois au milieu
du XVIIe siècle dans La Maison des jeux académiques, est
probablement à l'origine du Papillon
qui n'a vu les siennes imprimées qu'à partir de 1725 dans l'Académie
universelle des jeux. Quant à la Scopa
italienne qui se présente comme une évolution du Papillon, en l'absence
de références contraires, il semble pertinent de la dater du XVIIIe
siècle.
1.
Nombre de joueurs et jeu de cartes
Le
Cul-bas se joue de préférence à cinq ou six joueurs, avec
un jeu de 52 cartes. Il est de même possible d'y jouer à sept ou
huit.
À trois ou quatre joueurs, un jeu de 32 cartes est à
privilégier pour éviter un trop grand nombre de coups sans gagnants.
Les cartes n'ont pas de valeur particulière, et ne sont considérées
que pour ce qu'elles représentent : un roi, un valet, un huit, un
as, etc.
La couleur des cartes n'est pas prise en considération.
2.
Durée de la partie, prise, enjeu
La
partie se joue en un nombre de tours déterminé au départ
par les joueurs. Un tour est terminé lorsque tous les joueurs ont donné.
On appelle coup la période de jeu s'étendant entre deux donnes.
Quand on passe au donneur suivant, on change de coup. Un tour se compose ainsi
d'un nombre de coups successifs égal au nombre de joueurs.
Au
début de la partie, chaque joueur reçoit vingt jetons et une quantité
voulue de fiches plaques rectangulaires valant vingt jetons. Quatre
fiches et vingt jetons suffisent généralement pour jouer dix tours
à trois joueurs, huit tours à quatre, six à cinq, cinq à
six ou sept, et quatre à huit joueurs. On adaptera le nombre de fiches
au nombre de joueurs et de tours que l'on voudra jouer, et on pourra disposer,
dans une banque tenue à part, un lot de jetons pour échanger au
cours du jeu, les fiches des joueurs par des jetons s'ils viennent à en
manquer.
On ne mise pas au début de chaque coup. L'enjeu se constitue
au cours du jeu en formant une poule.
Si la poule n'a pas été
gagnée après le dernier coup de la partie, les joueurs peuvent décider,
à l'unanimité, de continuer le jeu jusqu'à ce qu'il y ait
un gagnant, mais à défaut d'entente, la poule sera répartie
entre les joueurs. Il est cependant préférable de faire ce choix
par convention entre les joueurs au début de la partie.
3.
Donne
Pour
déterminer qui sera le premier donneur de la partie, chaque joueur tire
une carte du jeu étalé, faces cachées, sur la table. Le donneur
est celui qui obtient la plus petite carte dans l'ordre décroissant suivant
:
pour un jeu de 52 cartes : roi, dame,
valet, 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, as ;
pour un jeu de 32 cartes : roi, dame,
valet, as, 10, 9, 8, 7.
Il mélange les cartes et les donne à
couper au joueur à sa gauche, puis distribue par la droite cinq cartes
à chacun par trois et deux, ou deux et trois.
Ceci étant fait, il aligne, sur une ou deux rangées, au milieu
de la table, les huit cartes suivantes, faces visibles.
Puis, il garde
à sa droite les cartes restantes, faces cachées ; elles constituent
le talon et ne seront pas utilisées sur le coup.
À la droite
du donneur sera aussi disposé un corbillon ou tout autre récipient
destiné à recevoir les fiches et jetons qui constitueront la poule.
Si un joueur reçoit quatre cartes semblables, il les rend au donneur
qui lui donne quatre nouvelles cartes du talon. Les cartes rejetées sont
mises sous le talon.
4.
Le jeu, les levées, cul-bas
Le
premier en cartes est le joueur placé à la droite du donneur.
Chacun joue à son tour dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.
On ne joue qu'une carte à son tour, qui permet de lever une des cartes
étalées faces visibles sur la table. Le contenu d'une levée
est composé de la carte prise parmi les cartes exposées et de la
carte posée par le joueur. Les levées sont conservées, faces
cachées, par leurs bénéficiaires. Elles se font selon les
règles suivantes :
une carte ne peut être levée
que par une carte semblable : un roi par un roi, un valet par un valet, un 10
par un 10, et ainsi de tous les autres types de cartes ;
lorsqu'un joueur a en main trois cartes
semblabes à une autre découverte sur la table, il lève cette
carte en abattant les trois semblables de sa main. Par exemple, avec trois 10,
on peut lever le quatrième 10 exposé, etc.
Si un joueur
n'a pas la possibilité de faire une levée en respectant les deux
points de règlement précédents, il doit mettre cul-bas,
c'est à dire abattre le restant des cartes qu'il a en main et les joindre,
faces visibles, aux cartes déjà exposées.
Un joueur
ayant mis cul-bas ne participe plus au jeu jusqu'à la fin du coup. Le premier
joueur qui, par des levées, réussit à se libérer de
ses cinq cartes, est le gagnant du coup qui est alors immédiatement terminé,
et les joueurs qui ont encore des cartes en main mettent cul-bas.
Lorsque
qu'un coup est terminé on passe au suivant. Le joueur qui était
le premier en cartes, et qui se trouve à la droite du corbillon, devient
le donneur. Il ramasse toutes les cartes, les mélange, les donne à
couper au joueur à sa gauche et les distribuent comme précédemment
par la droite.
4.1
Cas où il n'y a plus aucune carte exposée
Dans
le cas où un joueur vient de lever la dernière carte exposée,
le joueur suivant encore en jeu doit mettre cul-bas, n'étant plus en mesure
de faire une levée, et le suivant continue le jeu normalement.
4.2
Coup sans gagnant
Dans
le cas où aucun des joueurs n'a pu se libérer de ses cinq cartes
par des levées tous les joueurs ont été
amenés à mettre cul-bas il n'y a pas de gagnant sur le coup.
5.
La constitution de la poule, son gagnant
Lorsqu'un
joueur est amené à mettre cul-bas quelle qu'en soit la raison il doit immédiatement verser autant
de jetons dans le corbillon qu'il lui restait de cartes en main.
L'ensemble
des jetons et fiches contenus dans le corbillon constitue la poule.
La poule est tout ce que le vainqueur du coup remporte.
S'il n'y a pas
de gagnant sur un coup, la poule reste pour le coup suivant.
6.
Gagnant de la partie
Lorsque
la partie est terminée, chacun fait son bilan en soustrayant du nombre
de jetons qu'il possède ceux qu'il avait au départ et, éventuellement,
ceux qu'il a pu acquérir de la banque en cours de jeu pour se renflouer.
Une fiche vaut vingt jetons.
Le résultat obtenu permet d'établir
un classement des joueurs.
Joseph
Méry
Joseph
Méry, journaliste et écrivain, était à l'évidence
ce qu'il est convenu d'appeler un bon vivant. Ses écrits dans son recueil
de règles de jeux, L'Arbitre des jeux,
paru à Paris chez Gonet en 1847, sont un régal. La citation suivante,
critique d'une société aseptisée, tirée de l'introductions
aux règles du Cul-bas contenue dans cet ouvrage, en est un exemple.
« Voilà
un jeu qui sent son origine d'une lieue ; il était en effet en faveur
chez nos ancêtres au temps, à l'heureux temps, où la pudeur
des mots n'avait pas encore gâté l'admirable et naïf langage
de Montaigne. Voilà pourquoi le Cul-bas ne se joue plus ; comment
en effet laisserait-on pénétrer dans nos salons un nom si grossier,
après le dîner où l'on aura eu grand soin d'appeler un cul
d'artichaut un portefeuille ? [...] Donc Cul-bas est mort ; les mauvaises
langues l'ont tué ; mais ses règles ont été conservées ;
[...] » (suivent les règles)
Puis Méry reprend,
après l'exposé des règles :
« « Ce
jeu, dit en terminant l'auteur du règlement imprimé chez la veuve
Savoye, à l'enseigne de l'Espérance, ce jeu est fort divertissant,
et goûté en à-part des gens d'épée, qui n'ont
vergogne des mots quand il s'agit des gentes choses. » Que d'esprit
perdu dans la poussière de ces vieux livres, auxquels personne ne touche,
excepté ceux qui en vivent et n'en parlent point ! »
Références
La
Maison des jeux académiques, Paris, Loyson,
1655
M. Lebrun, Manuel de jeux de calcul et de hasard, Roret,
Paris, 1832
Joseph
Méry, L'Arbitre des jeux, Gabriel de Gonet, Paris, 1847
Informations
sur la page
Mise
en ligne le 21 août 2006
Relecture le 25 novembre 2021
Auteur
: Philippe LALANNE
Le
Salon des jeux - Académie des jeux oubliés