Le
Quarante de rois

La
Quarante de rois est un jeu de cartes du milieu du XVIIIe siècle
dont le jeu de la carte est le même que celui du Whist.
Il ne s'agit cependant pas d'y faire un maximum de levées, mais le plus
grand nombre de points en levant des figures. Il comporte une phase d'annonces
de combinaisons appelées cliques, dont la
plus haute qui consiste en la réunion dans la main d'un joueur des quatre
rois et rapporte 40 points à son bénéficiaire, est à
l'origine du nom du jeu.
Sa
règle a été publiée pour la première fois en
1789 dans le Dictionnaire des jeux de Lacombe. On pourrait presque dire
que cette règle est officielle, puisqu'elle a toujours été
reprise sans modification dans les ouvrages ultérieurs traitant des jeux
de cartes.
La
plus ancienne référence au Quarante de rois, se trouve dans le Grand
Dictionnaire françois, par une société de gens de lettres,
édité à Paris en 1772. À la définition du mot
« renonce », il est donné comme exemple : « On
peut renoncer à la (sic) quarante de rois pour couper. »
Une
passage dans Mémoires de la société des sciences, lettres
et arts de Nancy, publié en 1850 à Nancy, pourrait faire croire
à une origine bien plus ancienne du Quarante de rois. En effet, dans une
liste de jeux joués en Lorraine entre 1495 et 1601, l'auteur des Mémoires
inclut le Quarante de rois, alors que la référence de 1601 qu'il
cite mentionne en fait un autre jeu appelé Quarante trois ou Quarantrois.
1.
Nombre de joueurs, jeu de cartes, préparation et distribution
Le
Quarante de rois se joue à quatre, deux contre deux, avec un jeu de 32
cartes. Les associés sont placés en vis-à-vis comme à
la Belote ou au Bridge.
L'ordre
des cartes dans chacune des quatre couleur est le même qu'à la Triomphe,
c.-à-d. roi, dame, valet, as, 10, 9, 8, 7. Le roi est la plus haute carte,
et le sept la plus basse.
Pour
déterminer les équipes et les places, après avoir retiré
les quatre rois du jeu de 32 cartes et les avoir mélangés, faces
cachées, chaque joueur en reçoit, ou en tire, un. Les deux joueurs
ayant les rois de la même couleur font équipes. Ceux qui ont les
rois rouges choisissent leurs places en vis-à vis l'un de l'autre. Ceux
qui ont les rois noirs complètent la table à leur guise.
Les
places ayant ainsi été déterminées, un des joueurs
rassemble les 32 cartes, les mélange, puis les étale faces cachées
en ligne sur la table. Chacun tire une carte du jeu, et celui qui obtient la plus
haute est le donneur du premier coup. En cas d'égalité, les joueurs
concernés retirent à la plus haute entre-eux. L'ordre hiérarchique
descendant des cartes pour déterminer le donneur est celui du Piquet,
c.-à-d. as, roi, dame, valet, 10, 9, 8, 7.
Le
donneur ainsi désigné rassemble à nouveau les cartes, les
mélange, puis après les avoir données à couper au
joueur placé à sa gauche, il en distribue huit à chaque joueur,
en trois tours de deux, puis trois, et enfin trois cartes. La distribution et
le jeu de la carte se font dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.
Le
donneur ne place pas la dernière carte dans sa main bien qu'elle lui appartienne,
mais il la retourne face visible devant lui sur la table. Cette retourne
indique l'atout par sa couleur pique, cur, carreau, ou
trèfle. Il doit laisser cette carte visible jusqu'à ce qu'il joue
sa première carte.
2.
Jeu de la carte, but du jeu
Le
Quarante de rois est un jeu de levées qui suit le jeu de la carte du Whist.
On joue dans le sens inverse des aiguilles d'une montre en commençant,
pour la première levée par le joueur assis à la droite du
donneur on appelle ce joueur, le premier en cartes , puis
pour les levées suivantes, par celui qui vient de faire la levée
on dit que ce joueur a la main.
La
couleur de la carte jouée par le premier en cartes, ou par celui qui a
la main, est appelée couleur demandée.
On
est obligé de jouer de la couleur demandée. Par contre, en cas de
choix possible, on n'est pas tenu de forcer jouer une carte plus forte de
la couleur demandée , ni de couper si l'on n'a pas de la couleur
demandée. Si l'on ne peut ni fournir de la couleur demandée, ni
couper, alors on joue la carte de son choix.
La
levée est faite par celui qui a joué l'atout le plus fort, ou à
défaut d'atout celui qui a joué la plus forte carte de la couleur
demandée
Bien
que le Quarante de rois soit un jeu de levées, le but n'est pas d'en faire
plus que l'autre équipe, mais de récupérer dans les levées
le plus grand nombre de figures rois, dames, valet qui
sont les seules à fournir des points :
Carte | Points |
roi | 5 |
dame | 4 |
valet | 3 |
as,
10, 9, 8, 7 | 0 |
total
des 32 cartes | 48 |
3.
Les cliques
On
appelle clique la réunion de trois ou quatre figures de même
hauteur dans la main d'un joueur juste après la donne. Pour le donneur,
la retourne compte dans sa main.
Chaque
clique rapporte des points à l'équipe concernée selon le
tableau ci-dessous :
Cliques | Points |
3
valets | 6 |
3
dames | 8 |
3
rois | 10 |
4
valets | 13 |
4
dames | 20 |
4
rois | 40 |
Il
y a ainsi une hiérachie des cliques qui s'établit par le nombre
de points qu'elles rapportent. La clique de quatre rois est la plus forte et rapporte
40 points. Elle est à l'origine du nom du jeu Quarante de rois.
La clique de trois valets est la plus basse.
Pour
rapporter des points, les cliques doivent être annoncées en jouant
pour la première levée. La règle dit que le premier en cartes
fait son annonce en jouant sa carte : on en déduit que les joueurs annoncent
leur clique tour à tour, en jouant leur carte pour la première levée.
Afin
de ne pas trop révéler son jeu, le premier à annoncer une
clique le fera simplement en indiquant le nombre de cartes : « trois
cartes » ou « quatre cartes ». Lorsque plusieurs
joueurs ont annoncé une clique du même plus grand nombre de cartes,
ils en indiquent tour à tour la hauteur en commençant par le premier
déclarant. Il n'est pas obligatoire de donner la hauteur d'une clique inférieure
à la plus haute déjà révélée, on dit
par exemple simplement « c'est bon ».
Le
joueur qui a déclaré la plus haute clique doit impérativement
la montrer pour la faire valoir.
Un
joueur peut choisir de ne pas annoncer sa clique s'il pense qu'elle révèlerait
trop son jeu pour le faible nombre de points qu'elle pourrait lui rapporter.
Si
un joueur possède deux cliques, il ne peut en faire valoir qu'une celle
annoncée. La clique valable d'un joueur ne fait pas compter une autre plus
basse de son associé.
La
règle est formelle : seule une clique peut être valable.
Le
nom de clique donné à la réunion de trois ou quatre
figures d'un même rang ne semble pas convenir à un jeu pratiqué
en 1772. La quatrième édition du Dictionnaire de l'Académie
française (1762) donne en effet pour définition du mot clique
: « Société de gens qui s'unissent pour cabaler, pour
tromper. C'est une dangereuse clique. Il est de la clique. »
Lors de la Révolution française, il serait compréhensible
qu'un rassemblement de rois, de reines, ou même de valets puissent être
considéré comme une clique, mais en 1772 cela semble moins crédible.
L'appellation
clique pourrait bien être due à une méprise. En 1711,
dans uvres de Maître François Rabelais, Jacob Le Duchat
donne comme étymologie pour le jeu du Glic le mot allemand glück,
qu'il traduit par chance, et il précise qu'à cette époque,
à Metz, un jeu de cartes appelé Dix-croix était pratiqué,
dans lequel la réunion de trois ou quatre valets, dames ou rois était
un hasard appelé, dans le patois messin, la glique et « qu'on
l'appelle comme ça, comme une bonne fortune ». La hiérarchie
des gliques, comme Le Duchat la décrit, est strictement identique à
celle des cliques du Quarante de rois.
Bien
qu'il ne soit pas possible d'affirmer que le Dix-croix et le Quarante de rois
sont un seul et même jeu, l'appellation glique pour les combinaisons
que partagent ces deux jeux, semblent la mieux appropriée compte-tenu des
propos de Le Duchat, et celle de clique pourrait bien en être une
déformation tardive.
4.
Durée de la partie
La
partie se joue en plusieurs coups. À chacun d'entre-eux le donneur est
le premier en cartes du coup précédent. Les cartes sont toujours
mélangées et coupées.
Les
comptes sont tenus par l'un des quatre joueurs dans un tableau à deux colonnes
marquées « Eux » et « Nous ».
La
partie se joue généralement en 150 points. Cependant, il est possible
de convenir d'un nombre de points inférieur ou supérieur selon le
temps de jeu dont on dispose.

Références
Jacques
Lacombe, Dictionnaire des jeux, 1789
Grand Dictionnaire françois,
par une société de gens de lettres, Paris, 1772
Jacob Le Duchat,
uvres de Maître François Rabelais, Amsterdam, Henri Bordesius,
1711, t. 1
Informations
sur la page
Mise
en ligne le 19 septembre 2011
Reformulation partielle le 27 octobre 2021
Auteur : Philippe
LALANNE
Le
Salon des jeux - Académie des jeux oubliés
