Le Nain jaune

Informations, références

Le Nain jaune est un jeu de cartes de la la famille des jeux de hocs. Ses règles parues au cours du dernier trimestre 1760 dans l'hebdomadaire L'Avantcoureur sont très différentes de celles que l'on utilise de nos jours en faisant du jeu tout à la fois l'héritier des jeux du Poque, du Hoc Mazarin et de la Comète.

L
es règles d'aujourd'hui sont identiques à celles parues en 1792 dans Le Dictionnaire des jeux de Lacombe, dans l'article intitulé Lindor ou Nain jaune. Le Lindor utilise le même matériel que le Nain jaune mais son jeu de la carte est bien plus simpliste que celui décrit dans L'Avantcoureur, les mises et paiements y présentant aussi des différences notables.

  

  

Préambule : Le Nain jaune dans L'Avantcoureur

 

 

L'Avantcoureur est une revue hebdomadaire du XVIIIe siècle ayant paru tous les lundi, à partir du 21 janvier 1760. Chaque feuillet comporte 16 pages in-8°. Les sujets d'actualité traités concernent les lettres, les sciences, les arts et les spectacles.

Les n° 41 et 42 présentent ce qui pourrait bien être les premières informations précises sur le jeu du nain jaune. On pourra y constater que les règles actuelles sont bien plus simples que celles d'alors.


 

L'AVANTCOUREUR, lundi 27 octobre 1760 (n° 41)

« Si l'inconstance naturelle à notre nation peut être quelquefois justifiée, c'est lorsqu'elle n'a pour objet que de varier nos amusements ; le quadrille et le piquet sont en possession depuis longtemps d'amuser la bonne compagnie ; on a trouvé le moyen de les rajeunir en multipliant les favorites, et on vient depuis peu de leur associer un nouveau jeu moins ruineux que le brelan. Ce jeu peut occuper à la fois cinq personnes et s'appelle le Nain Jaune, qui est le nom qu'on donne au sept de carreau.

On pose sur la table un tableau de cinq cartes parmi lesquelles est ce sept. Ces cartes font chargées par celui qui donne, et celui qui a dans son jeu les pareilles, tire la mise qui est dessus, et a le droit de faire hoc avec chacune d'elles. C'est d'ailleurs une espèce de comète travaillée qui exige de la mémoire et de l'attention pour se défaire à propos de ses cartes, le dernier recevant des autres la valeur de toutes les cartes qui leurs restent en main.

Ce jeu est fort à la mode et durera sans doute plus que l'ancienne comète, s'il n'en survient pas un autre qui le renverse. »


  

L'AVANTCOUREUR, lundi 3 novembre 1760 (n° 42)

« Quelques personnes ayant demandé un plus grand détail du Nain jaune, dont on a parlé dans la dernière feuille, nous croyons pouvoir les satisfaire.

Avant de jouer ce jeu, on prend cinq cartes qui sont le roi de cœur, la dame de pique, le valet de trèfle, le dix de carreau et le sept de carreau que nous avons dit être le nain, comme la plus basse carte. On met ces cartes fur la table en tableau, et elles y restent tant que dure la partie que l'on fixe à dix ou douze tours, à volonté.

On joue ce jeu avec un jeu entier de cinquante-deux cartes. Celui qui fait, met sur le tableau quinze fiches distribuées en cette manière : une sur le dix, deux sur le valet, trois sur la dame, quatre sur le roi et cinq sur le nain ; il donne ensuite à chacun neuf cartes, si l'on est cinq, ou quinze cartes, si l'on n'est que trois, en sorte qu'il en reste toujours sept au talon.

Les cartes données, le premier en carte joue comme à la comète, un, deux, trois, etc. sans quatre, s'il n'en a point ; si quelqu'un des cinq, a le quatre de la couleur, il le fournit, sinon le premier joueur fait hoc comme à la comète, et reprend la carte qu'il veut, ainsi de fuite, pour chaque joueur qui fait toujours hoc lorsqu'on ne fournit pas la carte qui suit la sienne, toujours dans la même couleur.

Il faut observer que lorsque l'on joue une des cartes du tableau, on tire ce qui est dessus, et cette carte fait toujours hoc, dame, valet ou dix ; car le roi, de sa nature, fait hoc comme à la comète, et le sept de carreau qui est le nain, a le privilège, comme l'avait la comète, de représenter toutes les cartes qui manquent, et de faire hoc partout.

Le dernier [comprendre : le premier] qui n'a plus de cartes, fait payer, comme nous l'avons dit, ce qui reste aux autres dans la main ; et lorsque le nain regorge, celui dans la main de qui il se trouve, paye double de tout ce qu'il lui reste dans la main, lorsque quelques-unes des autres cartes du tableau reste en main, on fait la bête de ce qui est dessus, outre le payement des cartes, et la bête se trouve quelquefois fort considérable ; l'opéra se paye double et celui qui a le nain paye par conséquent quadruple. Ce jeu, comme on voit, a beaucoup de mouvement et a ses difficultés. »


  

 Image Wikipédia

  

I. Règles du jeu du Nain jaune (version 1760)

Le Nain jaune est un jeu de hocs. Le premier joueur à se défaire de toutes ses cartes est le gagnant. Pour connaître la manière d'utiliser les cartes appelées « hoc » voyez le chapitre correspondant sur les jeux de hocs.

1. Nombre de joueurs : 3 ou 5.

2. Jeu de carte : jeu complet de 52 cartes.

3. Plateau de jeu : 5 boîtes décorées différemment avec le roi de coeur, la dame de pique, le valet de trèfle, le dix de carreau, et le sept de carreau appelé le nain.

4. Belles cartes : ce sont les 5 représentées dans le plateau.

5. Suites complètes :

5.1. une suite à cœur, une suite à pique, une suite à carreau et une autre à trèfle.

5.2. ordre des cartes dans chaque suite : as, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, valet, dame, roi.

6. Hocs :

6.1. hocs permanents : la dame de pique, le valet de trèfle et le dix de carreau.

6.2. hoc principal : le sept de carreau.

6.3. hocs de fin de suite : les rois.

7. Donne : le donneur distribue par la droite, une par une, 15 cartes aux trois joueurs, ou 9 cartes aux cinq joueurs.

8. Talon : après la donne, il reste un talon de 7 cartes cachées qui n'est pas utilisé pendant le jeu. Ces cartes du talon génèrent, par leur absence dans la main des joueurs, des hocs accidentels et peuvent aussi supprimer du jeu de manière aléatoire un certain nombre des trois autres types de hocs.

9. Mises :

9.1. seul le donneur met 15 jetons dans le plateau (une partie se joue donc en un nombre de tours complets fixés à l'avance, 10 ou 12 communément)

9.2. répartition des 15 jetons : 1 sur le dix de carreau, 2 sur le valet de trèfle, 3 sur la dame de pique, 4 sur le roi de cœur et 5 sur le sept de carreau.

10. Paiements :

10.1. Au cours du jeu :

10.1.1. hocs : chaque fois qu'un joueur place un hoc et l'annonce, il reçoit de chacun des autres joueurs 1 jeton.

10.1.2. belles cartes : quand un joueur place une belle carte il emporte le contenu de la boîte correspondante.

10.2. À la fin du jeu :

10.2.1. valeur des cartes : chaque carte vaut un nombre de points égal à ce qu'elle est marquée, les figures valent 10 points et l'as 1 point.

10.2.2. le joueur qui s'est défait le premier de toutes ses cartes se fait payer par chacun des autres joueurs un nombre de jetons égal au total des points des cartes leur restant en main.

10.2.3. si le cas se présente, il reçoit de celui qui a encore le sept de carreau en main, le double de jetons que dans l'article précédent.

10.2.4. s'il s'est défait de toutes ses cartes sans qu'auncun des autres joueurs n'ait pu en jouer au moins une – on dit qu'il a fait opéra – les perdants paient alors le double de ce qui est prévu dans les deux articles précédents.

10.2.5. pour chaque belle carte qu'il a encore en main, un perdant doit mettre dans la boîte correspondante autant de jetons qu'elle en contient déjà – on dit qu'il fait la bête.

 

II. Règles du jeu du Lindor (1792) : version du Nain jaune ayant cours aujourd'hui)

Jacques Lacombe a donné ces règles en 1792 dans son Dictionnaire des jeux, édité chez Panckoucke, à Paris, dans un article intitulé Lindor ou Nain jaune.

Les articles ci-dessous indiquent seulement les différences entre la version de 1760 et celle de 1792. Les articles absents sont communs aux deux jeux.

1. Nombre de joueurs : 3, 4, 5, 6, 7 ou 8.

5. Suite complète :

5.1. une suite de cartes qui n'est pas obligatoirement de la même couleur.

6. Hocs :

6.1. hocs permanents : aucun.

6.2. hoc principal : aucun

7. Donne : le donneur distribue par la droite, une par une, 15 cartes aux trois joueurs, 12 aux quatre joueurs, 9 aux cinq joueurs, 8 aux six joueurs, 7 aux sept joueurs, ou 6 aux 8 joueurs.

8. Talon : après la donne, il reste un talon de 7 cartes à trois ou cinq joueurs, 4 cartes à quatre, six ou huit joueurs et 3 cartes à sept joueurs.

9. Mises :

9.1. tous les joueurs mettent 15 jetons dans le plateau.

10. Paiements :

10.1. au cours du jeu :

10.1.1. hocs : aucun.

10.2. à la fin du jeu :

10.2.3. le sept de carreau en main n'oblige pas à payer double le gagnant.

10.2.4. en cas d'opéra, les perdants ne paient pas au gagnant le double des points de leurs mains ; par contre, le gagnant emporte le contenu de toutes les boîtes du plateau.



 

 

Haut de page


Références

L'Avantcoureur, feuille hebdomadaire, du 21 octobre 1760

L'Avantcoureur, feuille hebdomadaire, du 3 novembre 1760

Jacques Lacombe, Dictionnaire des jeux, Panckoucke, Paris, 1792

 

Informations sur la page

Mise en ligne le 5 août 2008
Relecture et mise en forme le 8 décembre 2021

Auteur : Philippe LALANNE

Le Salon des jeux - Académie des jeux oubliés


 

 

 

Haut de page