La Brusquembille ou Bruscambille, et plus rarement Briscambille, est un jeu de cartes qui a pour principale particularité de n'imposer que peu de règles strictes, ce qui en fait sa difficulté mais permet à tous de pouvoir y jouer. En 1779, dans les Mélanges tirés d'une grande bibliothèque, Marc Antoine René de Voyer d'Argenson rattache le nom du jeu à l'un des deux pseudonymes de Jean Gracieux, comédien du début du XVIIe siècle. Jean Gracieux se faisait, en effet, appeler Bruscambille pour la farce, et Deslauriers pour la comédie. D'après d'Argenson, Bruscambille aurait parlé de ce jeu dans un de ses Prologues. Cependant, d'Argenson omet de citer le prologue concerné, et faute de retrouver la citation cette étymologie reste incertaine. La plus ancienne référence au jeu semble être celle incluse dans La Fille à la mode, comédie de Nicolas Barbier, représentée à Lyon en 1707 Godinet, l'un des personnages, y dit « Je joue à la mourre et à la Briscambille, comme celui qui l'a fait ». En 1709, dans une édition augmentée du Nouveau Dictionnaire françois de Pierre Richelet, à l'article « veiller » est donné un exemple citant le jeu : « On va ce soir veiller chez Mad. l'Intendante, et on y jouera à la Brisquanbille (sic) ». Dans Le Pharaon, opéra comique de Louis Fuzelier joué pour la première fois en 1717, il est orthographié bruscambille comme le pseudonyme de Jean Gracieux Le Pharaon est un jeu de hasard de la fin du XVIIe siècle. En 1723, Le Sage et d'Orneval, dans leur pièce de théatre, Les Trois Commères, mentionnent aussi le jeu en le faisant pratiquer par deux des personnages. Les répliques « Ah ! Morbleu ! J'ai donné dans son bruscambille ! » et « ... Soixante-et-un, j'ai gagné ! » sont bien en accord avec le jeu de la Brusquembille. On peut noter simplement l'utilisation du masculin, contrairement au autres citations. La plus ancienne règle connue est consignée dans l'Académie universelle des jeux, édité chez Legras, à Paris, en 1718. Le présent article en est une transcription en langage plus moderne. Il est notable que l'orthographe Brusquembille ne se trouve que dans cette règle, alors que dans la littérature, y compris chez d'Argenson, celle de Bruscambille et Briscambille est la plus fréquente. Quoi qu'il en soit, il apparaît que la Brusquembille avait une popularité certaine dans les différentes couches de la société au tout début du XVIIIe siècle. La Brusquembille a connu des prolongements dans les jeux du Mariage, de la Brisque, du Briscan et finalement du Bésigue. La Briscola, pratiquée en Italie de nos jours, suit le même jeu de la carte, et descend probablement de la Brusquembille. Voir aussi : La famille de la Brusquembille La
Brusquembille à deux, quatre et cinq joueurs 1. Nombre de joueurs et jeu de cartes La Brusquembille se joue à trois, avec un jeu de 32 cartes réduit à 30 après le retrait de 2 sept les deux rouges ou les deux noirs, pour faciliter la mémorisation. L'ordre décroissant des cartes, en supposant que les sept noirs ont été retirés du jeu, est le suivant :
As, 10, roi, dame, valet, 9, 8, 7
La partie se joue en un nombre de tours, déterminé au départ par les joueurs. Un tour est terminé lorsque les trois joueurs ont été successivement donneurs. On appelle coup la période du jeu correspondant à un seul donneur. Quand on passe à un autre donneur on change de coup. Ainsi au jeu de la Brusquembille, un tour correspond à trois coups. Chaque joueur reçoit, au début de la partie, une quantité de fiches (plaques rectangulaires) correspondant à trois fois le nombre de tours à jouer ainsi que vingt jetons une fiche vaut à ce jeu vingt jetons. Cette prise est généralement appelée cave. Par exemple, pour une partie en deux tours, chaque joueur recevra une cave de six fiches et vingt jetons soit l'équivalent de 140 jetons. On disposera d'autre part, dans une banque tenue à part, d'un lot de jetons pour échanger, si nécessaire, les fiches des joueurs. Au début de chaque coup, les joueurs doivent mettre dans un récipient quelconque (assiette, corbillon, etc.), une des fiches de leur cave. Cette mise totale de trois fiches constitue l'enjeu du coup.
Chaque joueur prend une carte au hasard dans le jeu étalé, faces cachées, sur la table, et celui qui a obtenu la plus haute dans l'ordre hiérachique du Piquet soit A, R, D, V, 10, 9, 8, 7 est le premier donneur de la partie. Il mélange les cartes et les donne à couper au joueur à sa gauche, puis il distribue par la droite 3 cartes à chacun, une par une. La distribution et le jeu de la carte se font toujours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Les 21 cartes restantes constituent le talon qui doit être placé, faces cachées, devant le donneur et à sa droite. Le donneur retourne ensuite la première carte du talon, et la place face visible à demi couverte sous celui-ci. La couleur de cette carte est l'atout. Lorsqu'un coup est terminé, les trente cartes étant jouées, on passe au suivant, et le nouveau donneur est le joueur placé à la droite du précédent. Le donneur doit toujours mélanger les cartes avant de les donner à couper au joueur placé à sa gauche.
La Brusquembille est un jeu de levées. Le premier en cartes est le joueur placé à la droite du donneur : il joue la première carte du coup, et sera le donneur du coup suivant. Après chaque levée, c'est celui qui l'a faite qui a la main, autrement dit qui pose la première carte pour la levée suivante. Le premier en cartes ou, après la première levée, celui qui a la main, joue une de ses trois cartes, et les autres joueurs, en suivant par la droite, jouent à leur tour la carte qu'ils souhaitent sans aucune obligation, ni de suivre dans la couleur, ni de couper en jouant de l'atout. Tout est possible, même de couper lorsqu'on possède de la couleur demandée. Celui qui fait la levée est le joueur qui, si personne n'a joué d'atout, a posé la carte la plus haute dans la couleur demandée par le premier. Dans le cas où un ou plusieurs joueurs ont joué de l'atout, c'est celui qui a mis le plus fort qui fait la levée. Les cartes de la levée sont rangées, faces cachées la levée prend alors le nom de pli , près de son gagnant qui prend ensuite la carte du dessus du talon, suivi par le joueur à sa droite, puis par le dernier, de sorte que chacun se retrouve à nouveau avec trois cartes en main. Il est obligatoire de respecter cet ordre pour piocher au talon. Le joueur ayant fait la levée, a la main. Il joue le premier, et le jeu continue ainsi jusqu'à ce que le talon soit complètement épuisé. Le dernier joueur à pouvoir piocher prend la carte retournée qui est forcément un atout. Lorsque le talon est épuisé, les joueurs continuent à jouer de la même manière, mais n'étant plus en mesure de compléter leur main avec les cartes du talon, il ne leur restent plus que trois levées à jouer avec trois, puis deux, et enfin une carte en main.
Une fois toutes les cartes jouées, chacun additionne ses points gagnés lors des levées en comptant dans leurs plis : 11 points pour un as, 10 points pour un dix, 4 points pour un roi, 3 points pour une dame, 2 points pour un valet et aucun point pour les autres cartes. Le joueur ayant le plus de points dans ses plis gagne la mise de départ. En cas d'égalité aux plus forts points entre deux joueurs, ils se partagent l'enjeu.
Les as et les dix sont nommés brusquembilles. Un as vaut 2 jetons, et un dix 1 jeton. Au cours des levées, les brusquembilles se paient entre les joueurs de la manière suivante : celui qui perd une brusquembille paie, à chacun des deux autres joueurs, la valeur en jetons de cette brusquembille ; celui qui joue une brusquembille, et gagne la levée, se fait payer par chacun des deux autres joueurs la valeur en jetons de cette brusquembille.
Au bout du nombre de tours convenu au départ entre les joueurs, chacun fait le compte des fiches et jetons qu'il a en sa possession afin de connaître ses gains ou ses pertes. On peut établir ainsi un classement des joueurs.
Afin de bien jouer à la Brusquembille, il est bon de tenir compte : que le dernier à jouer est le seul, surtout en début de jeu, à jouer en toute connaissance de cause ; que la carte retournée du talon revient au joueur qui se trouve à gauche de celui qui a fait la levée alors qu'il ne restait que trois cartes au talon ; que le jeu de cartes entier contient 120 points (44+40+16+12+8) ; que les trois dernières levées de chaque coup sont souvent décisives. Pour jouer à la Brusquembille à deux ou quatre joueurs, on utilise un jeu de 32 cartes complet. À quatre joueurs, il est possible de jouer individuellement, ou à deux contre deux. Quand on joue à deux contre deux, les joueurs d'une même équipe s'installent côte à côte, peuvent se communiquer visuellement leurs jeux et se conseiller sur la carte à jouer, mais sans s'échanger les cartes. Pour désigner le premier donneur de la partie, le joueur le plus à droite de chaque équipe tire une carte du jeu étalé sur la table et celui qui obtient la plus haute dans l'ordre hiérachique du Piquet soit A, R, D, V, 10, 9, 8, 7 distribue les cartes. Pour le coup suivant, la donne est faite par le joueur le plus à droite de l'autre équipe. Au résultat, pour la première levée d'un coup, ce sont toujours les deux joueurs d'une même équipe qui jouent d'abord, suivis par les deux joueurs de l'équipe adverse. Pour les levées suivantes, c'est le joueur qui a la main. À deux joueurs, ou à quatre, deux contre deux, les brusquembilles ne sont pas payées. À quatre joueurs individuels, les brusquembilles sont payées comme à trois joueurs. À deux joueurs le talon contient 26 cartes, et à quatre joueurs 20 cartes.
Pour jouer à la Brusquembille à cinq joueurs, on procède de la même manière qu'à trois joueurs mais le talon ne contient plus que 15 cartes.
Pour jouer à la Brusquembille aux points (pratique non décrite dans les règles anciennes), on ne paiera jamais les brusquembilles quel que soit le nombre de joueurs. Les joueurs conviendront au début de la partie en combien de points elle se jouera. La partie pourra par exemple être jouée en 300 ou 500 points.
Référence Académie
universelle des jeux, Legras, Paris, 1718 Informations sur la page Mise
en ligne le 25 octobre 2003 Auteur :
Philippe LALANNE
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